Entre-temps, le CMA (Competition and Markets Authority), le régulateur de la concurrence au Royaume-Uni a lancé en janvier 2021 une enquête antitrust contre Google. Le CMA craignait en effet l’impact de la suppression des cookies tiers et l’augmentation de l’influence de l’entreprise américaine sur le secteur de la publicité en ligne. Ainsi, le 11 juin dernier, l’autorité de régulation annonçait qu’elle jouerait un rôle dans la conception et le développement des propositions élaborées dans le cadre de Google Privacy Sandbox. L’objectif était alors de s’assurer qu’elles ne faussent pas la concurrence.
Ainsi, le 24 juin dernier, Google a annoncé qu’il repoussait à fin 2023 la suppression des cookies tiers. Ce délai lui permettra de préparer la transition de manière sereine et constructive en prenant en compte les retours de la CMA et des annonceurs.
Cookies tiers et cookies first party : De quoi parle-t-on ?
Pour commencer, revenons sur le cœur du problème à savoir les cookies tiers. Il est en effet important de bien distinguer deux types de cookies : les cookies first party et les cookies tiers.
Les cookies first party
Avant tout, les cookies, quels qu’ils soient, sont des petits fichiers textes. Les cookies dits first party sont stockés par le site internet visité. Leur objectif est d’enregistrer certaines informations des utilisateurs pour personnaliser leur expérience. Ils peuvent par exemple retenir l’identifiant du client pour simplifier l’authentification.
Les cookies tiers
Les cookies tiers quant à eux sont déposés par des tiers qui ne sont pas le site visité par l’utilisateur. Ces derniers recueillent des informations et sont couramment utilisés dans le domaine publicitaire. Les informations collectées sont utilisées pour établir des statistiques de mesure d’audience. Ils sont très utiles pour mesurer l’efficacité des campagnes digitales et permettre leur optimisation.
Or, la crainte des utilisateurs est que ces cookies deviennent des outils de traçage qui suivent leur activité partout et tout le temps sur le Web, et ce, sans leur consentement.
Une législation qui évolue
Pour cette raison, les autorités de régulation comme la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) s’emparent du sujet.
Ainsi, l’article 82 de la loi Informatique et Libertés a transposé en droit français l’article 5.3 de la directive européenne 2022/58/CE “ Vie privée et communications électroniques ”. Cet article oblige tous les sites internet en France à recueillir le consentement des internautes concernant les cookies.
Avant de collecter des informations, les sites Web doivent donc aujourd’hui afficher de manière claire et visible une bannière comportant un texte de type “ Accepter ou refuser ” permettant au visiteur de faire un choix éclairé. Notez toutefois que cela ne concerne pas les cookies considérés comme strictement nécessaires comme les cookies de session.
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Pourquoi Google décide-t-il de repousser la fin des cookies tiers ?
Si tout semble aller dans le sens d’un contrôle voire d’une suppression des cookies tiers, Google préfère temporiser. Toutefois, l’entreprise ne fait pas marche arrière. Au contraire, l’objectif ici est de prendre son temps pour faire les choses de manière raisonnable. De cette manière, les annonceurs autant que les éditeurs pourront s’adapter à ces nouvelles normes.
D’après Google, ce délai va permettre de :
- Créer un débat public sur les solutions à apporter
- Prendre du temps pour garantir un engagement continu avec les régulateurs
- Permettre une période de transition pour les éditeurs et annonceurs
L’idée est donc de ne pas brusquer les différents acteurs. Cela est d’autant plus important pour les entreprises et éditeurs qui prennent en charge le contenu disponible gratuitement. Il est essentiel pour eux de s’adapter à un monde cookie-less de manière progressive pour ne pas voir s’effondrer leur modèle économique.
Une décision nécessaire
Il est évident que ce délai supplémentaire est une bonne chose. En effet, le déploiement de la mise à jour 14.5 d’IOS a eu un impact non négligeable sur les campagnes digitales sur Instagram ou Facebook. Nous avons ainsi pu observer une augmentation de CPM globaux, mais aussi une diminution du reach sur ces plateformes. Par conséquent, il n’est pas difficile d’imaginer les conséquences de la suppression rapide des cookies tiers sur Chrome.
Quel est le calendrier proposé par Google ?
Pour se prémunir du rejet des différentes solutions proposées, Google va tout au long du processus travailler conjointement avec la communauté Web et le CMA.
Les axes d’amélioration proposés
Principalement, les efforts liés au respect des données à caractère personnel reposent sur trois domaines clés :
- La mesure d’audience
- La diffusion des publicités et des contenus pertinents
- Et enfin la détection des fraudes
Actuellement, trente propositions ont déjà été faites sur ces sujets dont quatre sont actuellement en phase de test.
Une méthodologie basée sur l’échange et le feedback
Pour chacune des propositions, Google s’efforce de suivre la méthodologie utilisée dans le développement de solutions ouvertes :
- Des discussions sur les technologies et leurs prototypes sur des plateformes adaptées comme GitHub ou des groupes du W3C
- Ensuite différentes phases de tests sont mises en place sur Chrome
- Enfin une phase de lancement sur Google Chrome lorsque la technologie est prête
Google espère ainsi que les échanges continus entre les différents acteurs permettent un déploiement sans accroc des solutions identifiées.
Un calendrier précis pour la suppression des cookies tiers
Pour la fin des cookies tiers sur le navigateur Chrome en particulier, le calendrier prévisionnel est le suivant :
- L’étape 1 (à partir de fin 2022) : Celle-ci se déroulera après les tests et l’implémentation dans Chrome. Les éditeurs et les professionnels de la publicité auront alors neuf mois pour migrer leurs services. Notons que Google prendra aussi en compte les retours avant de passer à l’étape suivante.
- L’étape 2 (à partir de mi-2023) : Sur une période de trois allants jusqu’à fin 2023, Google supprimera la prise en charge des cookies tiers sur Chrome.
Comme nous pouvons le constater, la phase de transition sera donc bien plus longue qu’initialement prévu. Ce temps sera mis à profit par Google pour proposer des solutions efficaces et par les professionnels du secteur pour adapter leurs campagnes publicitaires.
Quelles sont les alternatives actuelles proposées par Google ?
Toutes les alternatives sur lesquelles travaille Google s’inscrivent dans son initiative nommée Privacy Sandbox. Ce terme désigne un ensemble d’API dont l’objectif est de répondre aux nouveaux besoins du Web tel que le respect de la vie privée des utilisateurs.
Ainsi, toute la difficulté de la chose est de concilier la confidentialité sur le Web et le développement des entreprises sur internet. En effet, les cookies tiers ont une utilité certaine pour les professionnels, car ils permettent de mesurer la fréquentation du site internet de la marque, mais aussi de proposer des publicités personnalisées et pertinentes.
Le ciblage avec FLoC
L’une des solutions les plus intéressantes proposées par Google pour répondre à cette problématique est FLoC pour Federated Learning of Cohorts. L’idée n’est plus de cibler individuellement l’internaute, mais de faire reposer le ciblage sur des segments d’audience. Ces derniers sont identifiés par le navigateur Chrome. Pour ce faire, ce dernier se base sur les habitudes de navigation des différents utilisateurs.
Ainsi, les utilisateurs sont classés dans des cohortes constituées de centaines ou de milliers d’internautes. Cela permet donc un ciblage par centre d’intérêt tout en préservant l’anonymat.
Toutefois, FLoC rencontre beaucoup de résistance de la part de certains acteurs qui reprochent à Google d’obtenir ainsi plus de contrôle sur les informations collectées.
Fledge pour le retargeting
Ensuite, nous avons la proposition Fledge ou First Locally-Executed Decision over Groups Experiment. Cette solution permet de prendre les décisions d’enchères publicitaires au niveau du navigateur plutôt qu’au niveau du serveur publicitaire.
Les données circulent donc moins et il est plus complexe de créer des profils utilisateurs. Fledge est donc une alternative crédible pour protéger la confidentialité des utilisateurs tout en continuant à utiliser le retargeting dans le cadre de campagnes publicitaires performantes.
Aggregated Reporting pour la mesure du Reach
Enfin, les API de rapports agrégés visent à remplacer l’usage des cookies tiers pour des applications essentielles dans le domaine de la publicité en ligne tels que la mesure du Reach, l’analyse de la fréquence, mais aussi pour les données post-impression. Ces mesures sont actuellement collectées par des cookies tiers.
Privacy Sandbox : Un ensemble de propositions pertinentes
Comme nous pouvons le constater, l’initiative Privacy Sandbox de Google tente d’apporter des solutions concrètes pour de nombreux usages. À terme, le travail conjoint des différents acteurs devrait permettre de donner naissance à des solutions réellement utilisables au quotidien.
Ainsi, le temps supplémentaire accordé par Google est bénéfique pour le secteur de la publicité en ligne, mais aussi pour les internautes. En effet, nous nous approchons d’un nouveau modèle pour le Web qui se dessine sans les cookies tiers.
L’avenir de la publicité digitale
Malgré toutes les rumeurs arguant la fin de la publicité en ligne, nous pensons au contraire que le secteur a un bel avenir devant lui. Cependant, la publicité digitale de demain sera plus respectueuse de la vie privée de chacun, tout en étant aussi efficace.
Des alternatives pertinentes aux cookies tiers
En effet, les nombreuses initiatives comme Privacy Sandbox de Google démontrent l’effervescence et la créativité des acteurs du Web pour s’adapter. À n’en pas douter, chaque utilisation des cookies tiers pourra à terme être remplacée par une solution efficace.
De plus, il est aussi envisageable de déployer et renforcer des stratégies centrées sur les cookies first party. Enfin, nous observons une croissance continue du trafic et de la data sur internet. Ces informations permettront donc à terme de mettre en place des campagnes performantes pour les entreprises qui en auront besoin.
Pour conclure, le Web depuis sa création n’a eu de cesse de se modifier et s’adapter aux différentes évolutions sociales et technologiques et c’est d’ailleurs ce qui fait sa force. Nul doute qu’il continuera sur cette lancée encore de très nombreuses années.
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